Bouleversements en vue sur le marché du cacao

Le Cameroun et l’Équateur devraient bientôt se profiler en interlocuteurs décisifs des chocolatiers.

Jürgen Steinemann n’a pas hésité une seconde. «Vous en êtes tous témoins et je vous demande de me le rappeler quand nous nous retrouverons dans deux ans, mais je parie ma maison que l’Equateur va être le grand producteur de cacao de demain», a lancé très sérieusement, mercredi, à la crème de la crème de la filière mondiale du cacao, l’ex-directeur de Barry Callebaut, groupe suisse leader mondial des produits à base de cacao, et initiateur de la rencontre biennale Chocovision. Les représentants de la Côte d’Ivoire et du Ghana, les plus importants producteurs mondiaux de fèves, ont avalé leur cravate en entendant ces prévisions.

 

Leader dans l’agribusiness

Pourquoi une telle assurance? «L’Equateur est un des pays du monde possédant la plus solide expérience dans l’agrobusiness, comme il l’a montré en étant un des plus importants producteurs mondiaux dans l’élevage de crevettes et en cultivant avec succès la banane», a poursuivi l’ancien directeur de Barry Callebaut. «C’est ce savoir-faire de pointe qui manque à la filière des pays producteurs traditionnels de cacao dans une activité chocolatière toujours plus complexe», a-t-il encore avancé. Pour l’instant, l’Equateur se situe en tête des producteurs de cacao d’Amérique du Sud, devant le Brésil. Mais avec 5,5% du total mondial de la production de cacao attendue pour la récolte 2015-2016, ce pays est encore loin derrière la Côte d’Ivoire (41%) et son voisin le Ghana (20%). L’Equateur talonne pourtant l’Indonésie (7,2%) et a déjà dépassé le Nigeria (4,8%).
Deuxième Etat promis à un bel avenir parmi les grands producteurs de cacao, le Cameroun, pays de 20 millions d’habitants situé au sud des grands producteurs mondiaux, coincé entre le Nigeria et le Congo. Son ministre du Commerce, Luc Atangana, l’a indiqué sans détour à la rencontre Chocovision 2016: «Nous voulons doubler d’ici à quatre ans notre production actuelle, de 300 000 à 600 000 tonnes.» Le Cameroun serait dès lors propulsé au troisième rang mondial des pays producteurs, avec une part de 14% (sur la base de la récolte totale 2015-2016).

Marché libéralisé

Fait très intéressant, le Cameroun a complètement libéralisé son marché du cacao, contrairement à la Côte d’Ivoire et au Ghana. Ces deux pays connaissent un contrôle des prix visant à assurer un rendement fixe aux producteurs et à stabiliser les prix.
Mais cette organisation de la production n’est pas la panacée selon certains. Omer Maledy, secrétaire exécutif de l’Interprofessionnelle du cacao et du café du Cameroun (CICC), l’a précisé sans détour. «Les paysans du Ghana doivent accepter des prix plus bas, et qu’une partie de leur récolte soit mise de côté, pour pouvoir s’assurer un certain rendement en cas de mauvaise récolte, mais ces réserves ne sont pas toujours utilisées à bon escient.»
Au Cameroun, «le kilo de cacao bord champs (c’est-à-dire sans les frais de transport et juste déposé au bord du champ) se situe entre 1300 et 1400 francs CFA (2,34 francs suisses), alors qu’on atteint autour de 950 francs CFA le kilo bord champ en Côte d’Ivoire et au Ghana», a détaillé Luc Atangana. Libre ensuite aux paysans camerounais de s’organiser seuls ou en coopérative pour assurer le transport et la fertilisation de leurs champs.

Ces prix jugés bas sont un des problèmes de la filière, car les paysans ne touchent que 6% de la création totale de valeur de la chaîne, selon une estimation du réviseur KPMG, dévoilée aussi lors de cette conférence, pour un marché mondial pesant 120 milliards de dollars.
Ces tarifs ne motivent pas assez les jeunes Africains à poursuivre la culture du cacao, celle-ci s’avérant moins rentable que, par exemple, celle du caoutchouc. Selon les dernières prévisions officielles de l’International Cocoa Organization, il manquera 180 000 tonnes de cacao pour la récolte 2015-2016, alors que la campagne précédente s’est terminée par un surplus de 46 000 tonnes (TDG)

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